Puberté 2

Exposition de Kévin Desbouis

VERNISSAGE 05.10.2019 – 17H-19H

Kevin Desbouis a une petite manie : il adore ajouter un numéro après un mot, ou un bout de phrase, qu’il transforme ainsi presque magiquement en titre potentiel. Et il faut bien avouer que cette trouvaille offre une aura tout de suite particulière au concept ou à la chose concernés. Tout en suivant cette logique, « Puberté 2 », l’exposition qu’il s’apprête à inaugurer chez Ravisius Textor, fait suite à une première puberté (celle de Kevin Desbouis), et un clin d’œil à un album de rock – somme toute plutôt mélancolique – de la chanteuse Mitski (Puberty 2, 2016).

Dans les murs du local neversois, ces pubertés diversement lointaines forment un écho dont il ne sera pas tout à fait question – sans pour autant qu’il ne soit réellement question d’autre chose. En effet, le travail de Kevin Desbouis, qui s’abandonne d’une idée à l’autre, d’un médium à l’autre, et que seule la poésie, avec ses frontières généreuses et lâches, semble pouvoir embrasser complètement, a toujours quelque chose à voir avec l’adolescence et ses élans. On pourra ainsi voir chez lui une certaine fragilité (ou disons romantisme), négocier avec l’esprit farouche d’un idéalisme politique, à son tour contrarié par les formules-chocs du néo-libéralisme. « Do you speak Oreo ? » peut-on d’ailleurs lire, dans un appel laconique, sur un t-shirt abandonné sur un banc de l’exposition. La langue capitaliste nous a-t-elle à ce point incorporés qu’elle s’est substituée à notre propre langage ? Et si les marques au parler singulier font déjà partie de nous, comment sortir de leur emprise ? Comment être pris de désirs qui leur seraient exogènes, si les mots que l’on emploie pour dire le monde sont déjà intoxiqués de leur présence ? Autant de questions pour lesquelles Kevin Desbouis confectionne davantage des reformulations que des réponses, mais qui se diffusent ici comme elles ont circulé, l’air de rien, auprès des étudiant·e·s qu’a côtoyé l’artiste depuis décembre 2018.

Car oui, cette exposition est aussi une synthèse ou, comme le dit l’artiste, un état des lieux. Celui d’échanges et d’expérimentations menés à l’Ésaab, dans le cadre de la résidence « Excellence des Métiers d’Arts », soutenue par la DRAC Bourgogne — Franche-Comté. Celui, également, d’un travail au long cours d’écriture, qui a profité de ce contexte particulier de production pour faire advenir son premier livre. Intitulé A Long List of Safe Words (http://presses.t-o-m-b-o-l-o.eu/#allosw) et bénéficiant de la conception graphique de Julie Héneault, ce recueil de textes est publié par Tombolo Presses.

Franck Balland

art, design