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27 et 28 novembre 2020Passé
Conditions
Tarif plein 17,00 € Tarif réduit demandeurs d'emploi, intermittents du spectacle, retraités, étudiants, moins de 30 ans 12,00 € Tarif Voisin-Voisine Tarif réservé aux habitants des 18e, 17e arrondissements et de la ville de Saint-Ouen. 10,00 €
Novembre 2020
Vendredi 27
18:00 - 19:40
Samedi 28
15:00 - 19:00
De 14 à 99 ans

L'Etoile du Nord

16, rue Georgette Agutte 75018
  • Paris
  • Île-de-France

Together!

Une création du Groupe T // Juliane Lachaut, Théo Cazau et Antonin Fassio
27 et 28 novembre 2020Passé
Conditions
Tarif plein 17,00 € Tarif réduit demandeurs d'emploi, intermittents du spectacle, retraités, étudiants, moins de 30 ans 12,00 € Tarif Voisin-Voisine Tarif réservé aux habitants des 18e, 17e arrondissements et de la ville de Saint-Ouen. 10,00 €
Groupe T

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ENQUÊTES ET OBSERVATIONS
Le point de départ du projet Together! a été de se pencher sur des communautés qui s’organisent en marge de ce que l’on a l’habitude d’appeler la «vraie vie», c’est-à-dire la vie de l’adulte, la vie active, celle du travailleur. Ces communautés partagent des modes de vie qui n’ont pas de légitimité en soi ; elles se définissent soit en devenir (dans l’attente pour les «jeunes» par exemple de devenir des adultes) soit en regrets (les «vieux»). Le travail a donc débuté en allant à la rencontre des institutions qui abritent et surtout encadrent ces communautés éphémères. Nous avons pensé aux maisons de retraite dont l’appellation recouvre aussi bien les maisons de repos hospitalisées que les simples centres d’accueil de jour. Mais il a fallu s’intéresser aussi aux campus des grandes écoles, aux universités et autres pensionnats disciplinaires, ou encore aux départements des hôpitaux dédiés à la réinsertion sociale ou à la réadaptation. Il est sorti de ce travail d’enquête une observation qui petit à petit a pris la forme d’une conclusion : moins l’existence est valorisée socialement, plus elle est institutionnalisée, réglementée et esthétisée.
Et ces trois aspects sont tout aussi importants, n’ayant de cesse de s’influencer et de se répondre. Ainsi des résidents de maisons de retraite qui retrouvent dans les couleurs pastels de leurs murs ou la décoration tout en roses, lavandes et tulipes blue parrot de leur salle commune, une police assidue, quasi horlogère, qui octroie à chaque espace son activité, à chaque heure son repas et à chaque émotion sa couleur. De manière tout aussi éclairante, voilà les étudiants, écoliers ou pensionnaires en mal d’insertion, dont le quotidien tout entier se mue en un espace d’attente éclairé par la froideur de néons suspendus à des faux plafonds. Autant de signes visibles, autant de traces laissées par une même volonté de «bien faire pour eux», la même charité bienveillante qui embaume leur passé ou glorifie leur futur pour mieux les éloigner du présent. Il y a ici, sur ces murs et entre ces couloirs, la tentation claire de faire disparaître entre deux pots de fleurs des ancêtres, spectres d’une mort prochaine qui effraie, et de contrôler entre deux préaux bitumés une descendance toujours trop prompte à prendre – ou pas – sa place dans la vraie vie. Il s’agit ni plus ni moins que de l’institutionnalisation, de la réglementation et de l’esthétisation d’une soumission, la soumission aux impératifs implacables de la figure quasi mythologique de l’adulte-actif. Toujours plus efficace, plus autonome, plus rentable, sans racine ni attache, flexible, ailleurs comme partout le même et dont la prégnance se mesure à sa seule capacité d’adaptation à un monde toujours plus mouvant. Or cette figure fantasmatique hait autant qu’on lui rappelle sa mortalité et les traces de son dépérissement inévitable, que l’arrogance d’une jeunesse jugée immature et irresponsable. Le langage de vente des maisons de retraite autant que celui des campus universitaires et des pensionnats masque trop mal leur visage véritable : à mi-chemin entre les techniques du nouveau marketing et les paroles fleuries de fondations caritatives, c’est leur bienveillance que les adultes-actifs vendent au prix fort. Au prix d’une relégation aux marges de la vraie vie, là où l’imaginaire social fait trompeusement se côtoyer les chômeurs oisifs et les étudiants qui sortent, les jeunes des banlieues qui traînent et les retraités qui jardinent. Tous attendent sur le banc, certains trépignent, d’autres se calment peu à peu, jusqu’à ce qu’on les appelle sur le terrain, ou qu’on les oublie, définitivement.

DÉCAPITER UN MYTHE ?
L’écriture du spectacle en tant que tel a commencé quand nous avons décidé de suspendre tout jugement de valeur sur ces institutions et de les maintenir dans leur ambivalence de lieux à la fois bienveillants et terrifiants. L’idée du projet n’a jamais été de couper la tête de l’adulte, d’identifier celles et ceux qui sont responsables de la marginalisation de pans entiers de notre humanité derrière leurs costards et chemises à col blanc pour les mettre au pilori, en société comme au théâtre. La raison à cela est simple, c’est que nous pensons qu’il n’y a pas de véritables coupables derrière ce «celles et ceux»: notre objet est un mythe, au sens où il est une figure dont les traits sont extrêmement diffus, c’est une pieuvre qui n’a ni tête ni yeux et dont les tentacules s’étendent jusque dans nos nuits les plus intimes. Nous ne pouvons pas détruire la vie active et les valeurs qu’elle charrie derrière elle en nous autoproclamant juges et bourreaux de ses supposés représentants. Il ne s’agit pas de mener la chasse aux sorcières, d’identifier les suspects, mais bien de traquer la pieuvre, qui reste, elle, invisible, bien cachée derrière le défilé d’étiquettes. Nous devons rendre les valeurs de la vie active suffisamment étrangères à nos rêves pour qu’elles apparaissent aux yeux de tous sinon caduques du moins discutables dans leur prétention à définir nos vies.
Notre intérêt s’est donc canalisé dans un premier temps sur le processus qui est mis en place, les outils esthétiques et coercitifs utilisés par les institutions pour organiser ces communautés. L’Institution Together! dans laquelle prend place notre pièce a été imaginée dans le but de condenser ces institutions en une seule et en déploie ainsi toutes les caractéristiques: elle possède un site internet, une musique-type, proche du jingle publicitaire, un code vestimentaire, un quotidien réglementé avec diverses activités, un décor haut en couleur et ainsi de suite. Le discours qui légitime et justifie l’Institution Together! place celle-ci au cœur du sujet que nous traitons, puisqu’elle se vend pour les jeunes comme une préparation à la vie d’adulte et pour les personnes âgées comme un accompagnement personnalisé et valorisant jusqu’à leur mort. Et ce n’est que dans un second temps, une fois que les règles sont posées, et acceptées, que la trajectoire si bien dessinée peut, petit à petit, s’effacer. Ce n’est qu’une fois que l’Institution se trouve habitée d’êtres sensibles, faits de chair et d’os, que la mission officielle peut, lentement, leur tomber des mains. Les résidents de l’Institution Together! ne se réveilleront pas au son strident de la révolte contre un système inique, ils apprendront simplement, au cours de leur «séjour», à ne pas en être surpris ou plutôt à en devenir les hérauts avisés, si cela, un jour, devait arriver. Il y a ici un glissement qui relègue les impératifs de l’adulte-actif à l’arrière-plan, un mouvement d’une extrême lenteur qui essaye de représenter collectivement un géant leur tourner le dos, un corps immense prenant le temps de regarder, ne serait-ce qu’un instant, ailleurs et autrement, oubliant dans ce geste ce qu’on lui avait dit de faire et se déliant ainsi de ses propres promesses. La pieuvre aura beau alors gesticuler dans tous les sens, remuer la surface de l’eau, ses tentacules n’auront plus de prises sous-marines: elle devra prendre des risques, s’exposer, lutter contre l’oubli et son indifférence au péril de se faire violenter, triturer voire encore de se faire tuer, définitivement.

UN LENT ET VERTIGINEUX GLISSEMENT VERS L’OUBLI
L’idée de l’oubli nous vient d’une référence, il s’agit du roman de Thomas Mann, La Montagne magique, dont l’histoire peut être résumée comme suit. Jeune homme appliqué, fraîchement sorti de ses études et qui s’apprête à débuter une vie d’ingénieur dans les chantiers navals de sa ville d’origine, Hans Castorp part rendre visite à son cousin dans un sanatorium de Davos. Perché en haut des montagnes suisses, le voilà qui contemple les gorges vertigineuses d’une nature indomptable ; au rythme de ses pluies, neiges et vents impétueux, le séjour s’allonge et doucement l’ensevelit dans une méditation qui prendra fin sept ans plus tard. D’un voyage aux allures de vacances estivales voilà que son existence se trouve définitivement transformée, délaissant peu à peu la promesse faite à lui-même de retourner vivre «en bas». Le terme «d’oubli» est utilisé pour désigner une trajectoire qui n’est pas véritablement décidée, ni tout à fait voulue. Il s’agit davantage d’un long et lent refus, d’une indifférence aiguisée qui puise ses forces dans l’étrangeté d’un quotidien, d’une vie à part, bien loin du calendrier qu’on lui avait demandé de respecter et dont il prend au contraire peu à peu les rênes. L’oubli que nous cherchons ne tire pas sa force d’un calcul rationnel, d’un refus arrêté et réfléchi, mais d’une atmosphère qui fait glisser nos personnages dans un vertige, dans une absence quasi totale de repères où l’étrange crée des brèches et défait nos normes. Dans le cas de La Montagne magique, ce qui rend Hans Castorp oublieux de la vie d’en bas naît sans conteste de la rencontre, renouvelée et insoupçonnée, avec la nature; celle-ci s’infiltre toute entière dans son quotidien, des points de vue sans horizon au froid glacial qui règne dans sa chambre en passant par les escapades solitaires en terres désertiques, elle devient l’interlocutrice de ses angoisses, un hôte à respecter et à honorer. L’oubli est une nouvelle manière d’organiser le temps et l’espace, c’est l’apprentissage, ici à la fois collectif et solitaire, lent et vertigineux d’une autre manière de vivre, de regarder soi-même comme le monde, ailleurs et autrement. L’univers de Together! est traversé par une volonté similaire d’aiguiser un sens collectif de l’indifférence et de plonger toute une communauté dans un rituel décalé qui l’emmène loin dans l’inactuel. Nous pensons que derrière chaque maison de retraite, chaque pensionnat ou chaque campus universitaire, se niche le potentiel indubitable d’un oubli qui peu à peu deviendra indifférence et enfin refus.

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Musique, Intergénérationnel, Utopie, Dystopie, Vivarium, Emancipation, Institution, Maison de retraite, Ecoles, Vraie vie, La Montagne Magique, Le Jardin des Délices, Création contemporaine, Groupe T
Catégorie
Cie prévoyant de déposer une demande d'aide au projet (commission décembre 20)

À propos du lieu

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