[EXPOSITION TERMINÉE] Dolores Marat

Exposition

Dans le cadre de la saison ELDORADO de Lille 3000 et en partenariat avec la galerie Louis' Dimension.

Photographe indépendante et autodidacte, Dolorès Marat continue sa recherche au détriment des modes et des genres. Son travail d'auteur utilise dorénavant le tirage Fine Art pour l’édition de son œuvre permettant d’offrir de nouveaux grands formats en complément de ses anciens travaux réalisés avec le procédé de tirage Fresson.

Dans les photographies de Dolorès Marat, "le spectateur peut imaginer de multiples fictions, aventures, sentiments, ébaucher des scénarios. Toutes les images de Dolorès Marat fonctionnent sur le même système : susciter, provoquer I‘imagination de celui qui regarde. Des personnages fantomatiques surgissent de la nuit. On trouve ainsi nombre de personnages, lieux, objets, fragments apparemment anodins - que Dolorès Marat surprend, détourne, se réapproprie. Elle les transforme avec talent en photographies magiques, irréelles, qui tutoient l'éternité. "

Michel Guérin (Le Monde)

Dolorès Marat trouve partout le fantastique, l’incertain, l’impalpable. Avec elle le quotidien devient une illusion un rêve. Est-elle de cire ou de chair, cette silhouette fantomatique et bleutée aperçue au Musée Grévin ? Les Photos de Dolorès Marat sont de petits miracles, des invitations aux rêves, à la poésie, des moments de grâce suspendus dans l’espace et dans le temps. Du bonheur à l’état pur, c’est bien trop rare pour pouvoir s’en passer.

Jean Marie Wynants (Le Soir Belgique)

On dira d’elle partout qu’elle utilise uniquement le procédé de tirage Fresson (comme Bernard Plossu). Que ça explique la dinguerie des couleurs. Elle raconte qu’elle rôde, l’appareil sous le manteau, à l’affût de l’instant qui va l’émouvoir. De celui qu’elle attend depuis toujours. Elle dit aussi qu’elle n’a pas fait d’école autre que celle de l’apprentissage, dès 15 ans, du procédé photographique dans un studio à Sucy-en-Brie. C’est-à-dire qu’elle a commencé par y faire le ménage. Parce que c’était ça ou l’industrie textile. Elle sera ensuite laborantine pour la presse. Ce n’est qu’à partir de 1981 que Dolorès Marat, née en 1944, produira ses ‘‘photographies personnelles’’. Toutes ces données constituent une sorte de mythe et la tentation est grande de penser qu’on pourrait formuler à partir d’elles la recette des photos Dolorès Marat, leur secret. Car l’univers de la photographe est intense. On entre en effet dans ses clichés comme dans des tableaux, des instants tellement réels qu’ils confinent au magique. Un ensemble poudré, un brin nostalgique, toujours vrai, là, épidermique.

La photographie de Dolorès Marat se passe la nuit. La question ici n’est pas tant celle de la prise de vue. ‘‘Le dromadaire du théâtre de Palmyre’’, par exemple, a été prise en pleine journée et semble sortie d’un rêve: le ciel (d’une couleur indéfinissable) gronde tandis que l’animal paît sur une dalle qui semble ne proposer aucune herbe, rien de comestible. En arrière plan, le théâtre, d’un calcaire aux tons roses. C’est d’ailleurs lui le sujet; ses arrêtes débordent de la photographie et, passant sous le dromadaire, il dévore le premier plan au point que l’on se demande s’il n’arrive pas jusqu’à nous. Les tons Fresson, l’angle de la prise de vue: impossible de ne pas avoir la sensation de fausseté que procure le décor en carton-pâte. La façade tranche avec le ciel comme s’il s’agissait d’un collage (elle aurait donc l’épaisseur du papier photo) tandis que l’ouverture principale suggère un dédale infini à l’intérieur du bâtiment. L’ensemble nous emmène rien moins qu’en science fiction. La nuit donc, plus que le réel, la nuit et sa valeur d’onirisme, de marge. Les photographies se passent la nuit parce qu’elles ne prétendent pas tant rendre compte du tangible que du ressenti. L’image est le fragment d’un monde tout en étant sa seule forme possible. Ce qui se joue est de l’ordre du cinématographique. On pense au chuintement de la pellicule qui est la trace sur laquelle se construit le film. Quelque chose se trame. C’est qu’il y a double itinérance: celle de l’oeil qui capte et celle du sujet. Et la photographie, point de jonction de ces itinérances, n’est pas figée. Elle est la saisie d’un moment passé mais, parce qu’elle comporte tout ce qui a mené la photographe à l’endroit de la prise, elle n’a rien d’arrêté.

La rencontre, l’importance du moment très bref de la capture de l’image, expliquent en partie pourquoi Dolorès Marat ne retouche ni ne recadre jamais ses images. Le geste importe plus que le résultat. Il s’agit de rendre compte d’une émotion sans filtre, pas de discourir ou de donner une quelconque prouesse à voir. Un détour par la proximité de la démarche de Daidō Moriyama permet de préciser plus encore. L’errance, qui est la commune mesure des deux photographes sert à saisir l’acmé d’un scénario qui appartient tant à l’artiste qu’à son sujet et qui est la matière de la photographie. Comme si la photographie était une porte ouverte, un souffle libérateur. Tel un procédé chimique, l’image créée par la rencontre entre l’artiste et l’espace photographié tend ainsi à devenir une entité nouvelle, un espace à investir.

Clare Mary Puyfoulhoux | Avril, 2016