Le Lobby Transphobe de Maud Royer
Il est de moins en moins rare, depuis quelques années, d'entendre que s'activerait un soi disant "lobby trans" auquel ses détracteurices prêtent diverses intentions : instauration d'un régime misogyne et homophobe de transitions de masses, corruption des enfants, capitalisation sur le traffic et la vente d'hormones, abolition de la famille...
L'offensive anti-trans en cours ne se paie malheureusement pas que de mots, et ses manifestations se multiplient, que cela soit par un activisme trop souvent meurtrier mais en apparence "isolé", ou par des mesures législatives visant à réprimer les existences des personnes trans, surtout des mineur-es.
Le livre de Maud Royer nous permet de mieux saisir les contours du "lobby transphobe" à l'œuvre. Elle montre comment, depuis 2020 et l'échec de l'implantation de ces discours dans les mouvements féministes français, les disours anti-trans sont médiatisés, banalisés et réalisés par des groupes de psy*s, de "parents inquiets", de personnalités politiques et d'élu-es, en bonne intelligence avec des réseaux d'extrême droite.
Il nous importe de ne pas considérer cette offensive anti-trans comme une simple riposte réactionnaire face au soi-disant triomphe du progressisme LGBTQIA+. Alors que la fascisation s'accélère, nous considérons que cette offensive est un de ses vecteurs. Elle reprend et normalise toujours plus la rhétorique et les arguments de la théorie du grand remplacement : l’invisibilisation fantasmée des femmes par les mouvements trans autant que la "subversition démographique" participeraient de la "destruction de l'Occident". Plus encore, elle fait de la famille nucléaire la structure primordiale d'une société pensée comme organique, et légitimise l'exclusion des personnes refusant les normes cishétérosexuelles de la communauté (nationale).
Maud Royer dessine également des perspectives stratégiques pour le futur proche, telle que l'autorisation du changement de sexe à l'état civil sur simple demande. Dans la période actuelle, on peut se questionner l'usage stratégique de la demande de droits supplémentaires à l'État, au moment même où il peut basculer dans le fascisme. Il nous faut donc réfléchir à des stratégies de luttes trans autonomes, gardant toujours à l'esprit que la tentation de l'assimilation n'est jamais nulle - y compris au sein des groupes les plus marginalisés - et que la récupération est systématiquement supplétive d'une répression future.