Le monument, le labeur et l'hippocampe

On peut avancer que l’histoire du XXème a un statut contemporain parce qu’elle est encore mobilisable par les mémoires. Les sept artistes de l'exposition s’en sont saisi pour penser le futur...

Hélène Bleys, 2020

L’hippocampe est un organe du cerveau, de petite taille, qui ressemble grandement à un cheval de mer. Situé dans le lobe temporal, il est le siège d'une mémoire à long terme, autrement dit de la mémoire de l'individu depuis le moment où il est capable de se souvenir. Cet organe joue un rôle central dans le stockage des connaissances dites explicites, celles que l’on peut formuler par le langage. Il est aussi le siège de ce qu’on appelle la mémoire épisodique, celle qui nous permet d’enregistrer des informations factuelles et contextuelles, celle qui nous sert aussi à voyager mentalement dans le temps et l’espace.

Cette capacité à nous remémorer une époque passée ou à nous projeter dans un futur imaginaire, c’est à notre hippocampe que nous le devons. Il enregistre des événements, des détails, des lieux, des ambiances sonores, des états émotionnels qui réaffleurent au détour d’indices ou de ressemblances.
Et si l’on partait du principe que non seulement les hommes mais aussi les objets possèdent un hippocampe ? Alors cette mémoire enfouie dans les chairs et les pierres aurait non seulement un rôle majeur à jouer dans nos projections, mais confirmerait l’importance de préserver aussi bien un témoignage oral que matériel. Reconnaître à la mémoire le pouvoir de dessiner le futur, c’est aussi faire le choix de la transmission plutôt que de la reconstruction.

On pourrait avancer que l’histoire pas si lointaine du XXème siècle est dite contemporaine parce qu’elle est encore mobilisable par de nombreuses mémoires. Les artistes de l’exposition ont écouté, retranscrit ou filmé des souvenirs toujours vivants ; ils les ont aussi prolongés. Ils sont allés à la rencontre de traces qui à l’épreuve du temps n’ont pas toutes eu les mêmes résistances. Certains souvenirs sont sortis grandis, d’autres noircis. Tous s’inscrivent dans des récits inachevés.

Le monument, le labeur et l’hippocampe est une exposition conçue à partir de l'exemple mulhousien. L'histoire récente de la ville sert de modèle mais pas d'unique point de repère. Ce qu'elle livre de son passé, la façon dont elle s'en accommode vaut pour d'autres villes, d'autres régions. Elle est représentative d'une histoire industrielle faite de constructions, de travailleurs et d'une certaine idée du progrès qui a traversé son siècle mais pas forcément tenu ses promesses.

Petit à petit, les événements ou les habitudes d’une époque deviennent des faits ou des documents classés. On les révèle ou les consulte pour écrire une histoire que les artistes de l’exposition ont souhaité enrichir. Ils ont choisi de ne pas s’en tenir à la version archivée des souvenirs mais les ont réactivés, sans concessions ni préjugés. Ils ont redonné vie à des paroles, des gestes ou des lieux qu’ils ont confortés dans leur rôle de passeurs d’un avant à un après.

Avec la participation de Véronique Arnold (FR), Hélène Bleys (FR), Irina Botea Bucan (RO) et Jon Dean (UK), Tanja Boukal (AT), Igor Grubic (HR), Zhanna Kadyrova (UA) .
Une proposition de Sandrine Wymann .

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