Soutenance de Thèse : Marion Demeurs
L'équilibre élastolytique épithélial dans la cicatrisation de la muqueuse intestinale
Mardi 3 octobre 2023, 09h30Passé

Mardi 3 Octobre 2023 9h30
Pierre Paul Riquet RDC salle 14 & Teams (Lien )
L'équilibre élastolytique épithélial dans la cicatrisation de la muqueuse intestinale
Thèse sous la direction de Céline DERAISON.
La thèse sera également retransmise via Teams (lien à venir)
Membres du Jury:
Sophie Thenet / Malvyne Rolli-Derkinderen / David Laharie / Denis Krndija / Claude Knauf
Résumé :
Les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) se caractérisent par des poussées inflammatoires d’intensité variable alternant avec des phases de rémission. Leur prise en charge thérapeutique est focalisée sur la réduction de l’inflammation. Aujourd’hui, des études cliniques ont montré qu’il faut atteindre la cicatrisation complète de la muqueuse pour prolonger la phase de rémission chez les patients atteints de MICI. Il est donc nécessaire de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques moléculaires.
Chez les patients atteints de MICI, l'équilibre protéolytique des muqueuses est perturbé. Des études ont montré que les patients présentaient une hyperactivité élastolytique au sein de biopsies coliques provenant de zones inflammatoires. L'équipe « Signaux protéolytiques de l’Intestin » de l'Institut de Recherche en Santé Digestive a identifié l'élastase-2A, une protéase produite et sécrétée par l'épithélium intestinal. Cette protéase est exprimée de manière constitutive par les cellules épithéliales coliques chez les souris et les humains. En cas de colite, la quantité de cette protéase est augmentée chez ces patients. Cette équipe a développé un modèle murin de surexpression de l'ELA2 humaine dans les cellules épithéliales intestinales (pVillin-CREERT2-CELA2). Ils ont pu montrer que cette surexpression induit un défaut de barrière épithéliale semblable à celui observé chez les patients atteints de MICI. Ce modèle murin présente une désorganisation du mucus, une augmentation de la translocation bactérienne et une expression accrue de cytokines pro-inflammatoires dans la muqueuse intestinale. Ces résultats suggèrent que l'hyperactivité de l'ELA2 pourrait contribuer au défaut de barrière intestinale observée chez les patients atteints de MICI.
L’augmentation de la quantité d’ELA2 a aussi été détectée dans les cellules épithéliales issues de zones distantes du site inflammatoire chez les patients atteints de maladies Crohn et de rectocolite hémorragique. Ceci suggère que l’hyperactivité de l’ELA2 pourrait contribuer au défaut de cicatrisation de la muqueuse intestinale observé chez les patients atteints de MICI.
L’objectif de mes travaux de thèse a donc été de caractériser les conséquences de l’hyperactivité de cette élastase épithéliale sur la cicatrisation de la muqueuse colique.
Une approche expérimentale a été menée en utilisant le modèle murin de surexpression inductible de l’ELA2 humaine spécifiquement dans les cellules épithéliales intestinales (pVillin- CREERT2-CELA2) auquel une colite aigue a été induite (colite chimique au DSS). Les mécanismes de réparation au cours du temps ont été étudiés grâce à la mise au point d’une procédure endoscopique et par des analyses macroscopiques, histologiques et moléculaires. Une analyse multiparamétrique a été effectuée, regroupant tous ces indices ainsi qu’une analyse de la composition du microbiote fécal, et également l’expression de 70 marqueurs impliqués dans l’inflammation, les mécanismes de réparation et le remodelage matriciel. Nous avons montré qu’en période de réparation, l’ELA2 semble avoir un impact sur le microenvironnement des cellules épithéliales coliques : un défaut de mucus et un remodelage de la matrice extracellulaire aberrant. Ces anomalies conduisent à un retard de cicatrisation de la muqueuse.
Afin d’appréhender la cicatrisation dans un contexte exempt d’une inflammation prononcée de la muqueuse et de confirmer le rôle de l’ELA2 dans ce processus cicatriciel, une blessure unique de la muqueuse a été réalisée par une procédure endoscopique chez des souris contrôles et les souris surexprimant l’ELA2 (pVillin-CREERT2 -CELA2). L’évolution de la cicatrisation de la brèche a été suivie par endoscopie quotidienne jusqu’à cicatrisation complète de la muqueuse au niveau macroscopique. Pour caractériser l’effet direct de la surexpression de l’ELA2 sur les cellules épithéliales intestinales, un modèle de culture 3D de colonoïdes primaires murins (organoïdes) a été mis au point. Les résultats montrent que les cellules épithéliales coliques surexprimant l’ELA2 ont un potentiel prolifératif et de résistance affectés. Des analyses moléculaires ont été effectuées afin de déterminer comment l’ELA2 impacte ces mécanismes cellulaires .
La cicatrisation des muqueuses de patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin est très peu documentée par un réel manque d'outils moléculaires. Le développement expérimental mené chez la souris nous a permis de caractériser ce processus de réparation de la muqueuse colique après une crise inflammatoire et de mettre en évidence des marqueurs moléculaires. Afin de savoir si ces acteurs moléculaires sont aussi impactés chez les patients atteints de MICI, des données de RNAseq disponibles à la communauté scientifique ont été collectées et analysées. Les résultats montrent qu’il existe des similitudes moléculaires entre les patients atteints de MICI et le modèle murin de surexpression de l’ELA2.
Ce projet de thèse nous a permis de caractériser la cicatrisation de la muqueuse intestinale chez un modèle murin mimant des atteintes de patients atteints de MICI et également d’établir des marqueurs de cicatrisation encore inconnus à ce jour. L’activité de l’élastase épithéliale, l’ELA2, pourrait être un des marqueurs du défaut de cicatrisation de la muqueuse colique des patients atteints de MICI.
L’hyperactivité de l’ELA2 participerait à un retard de cicatrisation de la muqueuse des patients atteints de MICI.