Outils, matériaux et procédés 1/2
Depuis le XVIIIe siècle, les encyclopédies font la distinction entre les outils et les instruments. Tandis que les instruments étaient généralement définis comme un moyen d’accomplir un travail intellectuel, les outils étaient compris comme un moyen d’accomplir un travail physique. En tant que tels, ils servent d’« intermédiaire entre la main de l’ouvrier et la matière utilisée », comme le dit un dictionnaire français de la fin du XIXe siècle. La distinction entre outil et instrument trouve ses racines dans le même courant de la pensée occidentale classique qui privilégiait les idées par rapport à la matière, la théorie par rapport à la pratique et l’art par rapport à l’artisanat – des oppositions qui non seulement se sont reflétées dans la théorie de l’art académique depuis la Renaissance, mais qui ont également longtemps influencé les études d’histoire de l’art. Alors que la discipline s’est beaucoup intéressée aux instruments optiques utilisés par les artistes, relativement peu d’attention a été accordée aux outils utilisés par les artistes pour la production matérielle d’œuvres d’art – avec quelques exceptions récentes notables.
La session prévue se fonde sur la conviction que l’utilisation d’un certain outil dans les arts plastiques ne relève généralement pas seulement de raisons pratiques, mais également de motivations programmatiques, voire idéologiques, et que les marques d’outils sont chargées de diverses implications économiques, politiques, sociales, spécifiques au genre, philosophiques et médiatiques. Mais avant tout, le déploiement d'outils et de techniques révèle des attitudes spécifiques à l'égard de l'art et de la création artistique, mais aussi à l'égard du travail et de la main-d'œuvre - des implications qui sont, bien entendu, sujettes à des changements historiques.
La révolution industrielle a fourni une série de nouveaux matériaux, qui à leur tour ont nécessité de nouvelles techniques de travail et de nouveaux outils - des développements qui ont également affecté les boîtes à outils des artistes. Dans le même temps, le passage des méthodes de production manuelles aux machines a entraîné une dévalorisation des compétences manuelles dans le secteur économique. De nombreux artistes et artisans ont toutefois continué à travailler les matériaux manuellement jusqu'au XXe siècle, époque à laquelle les artistes étaient souvent considérés comme les « derniers artisans » et les œuvres d’art comme les « derniers objets faits à la main ». Cette session analysera ces évolutions, en se concentrant sur la période allant du milieu du XVIIIe au milieu du XXe siècle. Étant donné que le processus d'industrialisation s’est déroulé à l’échelle mondiale, comme l’ont montré les expositions universelles, la session invite les auteurs à présenter des articles traitant de l’utilisation des outils dans différents contextes géographiques et culturels. Tous les types d'outils seront examinés, qu’il s’agisse de nouvelles inventions, de renouvellements techniques ou de créations éclectiques. La session repose sur la conviction que pour étudier les différentes notions historiques et culturelles de la matière et de la matérialité, il faut prêter attention aux outils.
Interventions :
- Oriane PORET - Du poil au pinceau : quels outils pour les peintres animaliers ?
- Sarah GOULD - The collapsible paint tube, thermodynamics and entropy
- Amélie MÉTHIVIER, Jennifer VATELOT - Observer les traces de mise en oeuvre sur les sculptures en plâtre : la place du conservateur-restaurateur dans la recherche