Matters of Caring. Early modern and/or global conservation practices 2/2
La conservation du patrimoine est une question politique qui doit être comprise, historiquement et théoriquement, dans un contexte temporel et géographique large et diversifié. Quelles étaient les manières de prendre soin du patrimoine avant que la conservation-restauration ne devienne une science au XXe siècle ? Quelles étaient les critères déontologiques à respecter ? Et quelles étaient les pratiques au-delà de l'Europe et des États-Unis ?
Si le XXe siècle a marqué une période d'expansion dans le domaine de la conservation de l'art, les mesures d'entretien des objets culturels sont beaucoup plus anciennes. En effet, les méthodes de conservation-restauration, couramment pratiquées par des artistes et des artisans, étaient pratiquées de manière empirique, souvent issues d'un apprentissage autodidacte et transmises de générations en générations depuis le XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle voit l'essor de restaurateurs spécialisés et marque le début d'un débat esthétique sur les effets du temps sur les objets culturels. Les innovations apportées aux matériels pour artistes et les collaborations croissantes entre les disciplines de l'art et de la science au XIXe siècle, ont introduit de nouvelles problématiques dans le domaine de la conservation. L'intégration progressive de la science et des méthodes instrumentales innovantes dans l'examen du patrimoine a initié un Scientific Turn dans la discipline au cours du XXe siècle, renforçant les connaissances sur la matérialité des artefacts. Alors que la mondialisation des marchés de l'art ouvre des dialogues internationaux, la discipline amorce un Green Turn (plus récent) tourné vers l'éco-durabilité et l'éco-responsabilité. Avec un lent retour et intérêt vers les matériaux naturels respectueux de l'environnement, des artefacts et des praticiens, les techniques et pratiques anciennes s'en trouvent priviligiées. Tandis que les musées ethnographiques s'intéressent davantage aux liens entre conservation et colonialisme ces dernières années, un Postcolonial Turn est palpable au sein de la discipline.
Les pratiques de restauration anciennes sont considérées comme les interventions fondatrices de la discipline favorisant la stabilité et la pérennité des œuvres d'art. La preuve de ces premières méthodes, issues d'un savoir-faire artisanal et de recettes d'atelier, sont enregistrées dans les documents d'archives, même si celles-ci sont rares et fragmentaires. Les œuvres elles-mêmes et leurs matériaux constitutifs portent aussi la trace de cette histoire des techniques de conservation-restauration à travers le temps. Ces documents d'archives multidimensionnelles reflètent aussi la variété des modes de restauration et de soins exécutées selon des contextes particuliers répondant à des intérêts et des objectifs des différents partis impliqués dans l'acte de restauration. Ils apportent également de nouvelles preuves dans la compréhension des intéractions et de l'organisation du réseau du monde de l'art, y compris le marché de l'art.
Dans un objectif interculturel et interdisciplinaire, ce panel vise à discuter de l'histoire ancienne des techniques de conservation et des façons alternatives de prendre soin des objets d'art avant le XXe siècle sur les cinq continents et ainsi de mettre en lumière des pratiques et des coutumes peu étudiées.
Interventions :
"Traces et transformations"
- Eléonore KISSEL - Le musée du quai Branly - Jacques Chirac à l’intersection des pratiques de conservation matérielle
- Harrison IDOWU - African Artefacts and Early Indigenous Conservation Practices: The Case of the Benin Artefacts
- Jia PENG - Réparation aux agrafes de la céramique en Chine : De la pratique utilitaire à l’expression esthétique
- Stephanie BELL - Airing Out the Treasures: Conservation in Early Modern Japanese Buddhist Temples
- Lilian ALVES GOMES - Blurring Inscriptions in Stone: colonial wound sutures in dialogue with Brazilian monuments