Écriture et image. Labilité et résistance de la matière 3/3
« Artisan d’abord. Dès que l’inflexible ordre matériel nous donne appui, alors la liberté se montre » rappelait Alain dans son Système des beaux-arts (1920). Le créateur engage toujours une lutte avec la matière, quelle qu’elle soit, car celle-ci possède certaines propriétés physiques, vit de sa vie propre et n’est en aucun cas inerte. Les passages les plus saisissants du Journal d’Eugène Delacroix sont peut-être ceux où l’artiste témoigne de sa lutte avec la matière lors de l’exécution de la fresque de La lutte de Jacob avec l’ange de l’Église Saint-Sulpice à Paris. Artiste, théoricien, critique ou simple spectateur, nul ne peut ignorer tout à fait la dimension physique de l’image. Anne-Marie Christin n’a eu, elle aussi, de cesse de rappeler l’importance du support de l’écriture et de l’image, manière de souligner le rôle essentiel de la matérialité. Tout comme le terme « support », celui de « matière » est un leitmotiv de son appareil théorique, où elle emploie plus chichement celui de « medium », qui s’est pourtant imposé à la suite de l’iconic turn des années 1990. Dans la partie introductive de L’invention de la figure, Anne-Marie Christin condense ainsi sa réflexion : « L’espace iconique est avant tout un lieu de parcours aléatoires et multipolaires, déterminés autant par la matière – pierre, papier, écran...– de son support que par les besoins d’expression propres à la pensée visuelle. » (L’invention de la figure, p. 13)
Dans ce panel proposé par le Centre d’Étude de l’Écriture et de l’image, on s’attachera tout particulièrement au processus de création de l’image dans la relation à la matérialité, en prenant appui sur l’écrit, que celui-ci soit incorporé dans l’œuvre, ou extrinsèque en prenant la forme d’écrits de théoriciens ou d’artistes montrant comment la matière peut apparaître labile ou leur résister. Le graveur sur bois face à un support qui n’est aucunement passif, le fresquiste qui livre une bataille contre un mur, le graveur, voire l’imprimeur des périodiques et des affiches, les estampes Harimaze-e au Japon où différents motifs imprimés viennent colmater une déchirure, les combinaisons de plusieurs techniques d’estampe mettant en valeur les différences de matériau, etc. : des études de cas illustreront de manière critique la notion de labilité et de résistance de la matière.
Table ronde
"Points de vue, récits et expériences : Écriture et image. Labilité et résistance de la matière" :
- Cyril DEVES - Matière et matérialité dans les films d’animation de fin d’études en école d’art : enjeux narratif, sensoriel, pédagogique et professionnel.
- Ada TELLER - Quand le langage devient une matière plastique : le récit-page ou récit toile
- Dylan CARUSO - Faire avec
- Paul-Henri Souvenir ASSAKO ASSAKO - La matérialité urbaine dans la pratique des arts et du design au Cameroun
- Stéphanie BOULARD - Matière et création : le fait pictural chez Pascal Quignard ou l’art et les commencements
- Luc BACHELOT - La matière qui parle entre philosophie, sciences physiques et archéologie