Curating and Preserving Olfactory Art and Heritage
Bien qu'invisibles et intangibles, les odeurs émanent de la matière et sont elles-mêmes matérielles. C'est pourquoi elles offrent une perspective singulière sur la matérialité des œuvres d’arts qui s'adressent traditionnellement au sens de la vue. Au croisement de deux approches apparues dans les années 1990 - les études sur l’olfaction (Classen et al., 1994) et l'histoire de l'art technique (Wallert et al., 1995) - l'approche olfactive de l'art et du patrimoine s’est récemment imposée internationalement dans les musées et les universités. Outre l'émergence récente de l'art olfactif contemporain (Shiner, 2020 ; Barré, 2021), qui propose une expérience esthétique fondée sur l’olfaction (Jaquet, 2015), l'odeur des artefacts est toujours plus prise en considération (Classen, 2017), car elle peut renseigner sur leur histoire (Castel, 2019) ou sur leur état de conservation (Bembibre, 2020). S'il est ainsi devenu courant de considérer que le parfum peut être un art ou qu’une odeur peut constituer un patrimoine (Odeuropa, H2020), les enjeux liés à la matérialité des odeurs, caractérisées par leur caractère éphémère, restent amplement sous-explorés. Cette lacune dans l’actualité de la recherche nécessite de forger de nouveaux outils théoriques et méthodologiques nécessairement interdisciplinaires et susceptibles de renouveler la discipline de l'histoire de l'art.
La conservation et la préservation des odeurs soulèvent de nouveaux défis que ce panel cherche à explorer à travers des questions issues d'études de cas concrets liés aux périodes moderne et contemporaine (expositions, œuvres d'art, reconstructions historiques, etc.) Tout d'abord, quelles odeurs ou parfums méritent d'être conservées et selon quels critères le contenu des archives olfactives doit-il être sélectionné ? Comment les différents acteur·trice·s (conservateur·trice·s, restaurateur·trice·s, public, etc.) utilisent-ils leur sens de l'odorat et comment peuvent-ils être formé·e·s ? Comment capter les odeurs de l'époque actuelle et les documenter à des fins d'archivage, sachant que l'utilisation des formules privilégiées par l'industrie du parfum présente des limites importantes (comme l'identification des matières premières) ? Comment adapter les outils de l'histoire de l'art (description, illustration, etc.) au nouveau médium de l'olfaction et comment objectiver les descriptions/diagnostics olfactifs fournis par les parfumeurs (nez) pour en faire bénéficier les conservateurs ? Comment archiver les odeurs elles-mêmes et préserver les œuvres d'art olfactives ? Comment préserver les reconstructions historiques olfactives et documenter leur élaboration, un processus qui fera partie de l'histoire de la culture olfactive? Comment gérer les questions de droits d'auteur, puisqu'un parfum ne peut être légalement considéré comme une œuvre de l'esprit, et comment créer des archives ouvertes ? Comment définir l'authenticité olfactive et donc évaluer l'exactitude des reconstitutions ? Comment mettre en œuvre des projets olfactifs historiquement exacts et comment communiquer sur l'exactitude historique des reconstructions olfactives ? Telles sont quelques-unes des questions soulevées par la floraison des odeurs dans les arts et les musées. Ce panel vise à stimuler les échanges interdisciplinaires entre les chercheurs et les acteurs afin d'entamer une réflexion sur l'utilisation des odeurs dans l'art et les musées.
Interventions :
- Sandra BARRÉ - Olfactory archive. The scientific necessity of olfactory reconstructions in twentieth-century art
- Isabelle CHAZOT - L'Osmothèque: Challenges of preserving and reconstituting perfumes
- Viveka KJELLMER - Olfactory ekphrasis and scented scenographics: understanding olfaction as communication tool in artworks and exhibitions
- Cecilia BEMBIBRE, George ALEXOPOULOS, Emma PAOLIN - Revealing and preserving the value of olfactory heritage: a cross-disciplinary approach