Les cours de morphologie se sont substitués, à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, aux cours d’anatomie qui y étaient autrefois dispensés et n’étaient pas sensiblement différents des cours théoriques suivis par les étudiants en médecine. Ils prennent en compte la dimension de mise en forme qui est la préoccupation des artistes. Les cours de Jean-François Debord constituent l’archive à partir de laquelle doit s’élaborer aujourd’hui une nouvelle réflexion théorique qui tisse des liens entre art et science, se tourne vers la question de la corporéité en art et celle du biodesign. Il semble que très tôt les artistes aient eu l'idée de chercher ce qui sous la peau justifiait les formes extérieures du vivant. La tradition veut que dans l'antiquité grecque ils n'aient connu que l'observation: le nu masculin se rencontrait partout, mais la dissection du cadavre semble avoir été proscrite même pour les praticiens médicaux.Dès la Renaissance les artistes purent assister aux dissections pratiquées dans les amphithéâtres. On leur demanda même d'illustrer certains livres - parfois magnifiques.

Peu à peu l'académisme d'une tradition anatomique s'est installé, consistant à étudier jusque dans les moindres détails un cadavre sans âge ni sexe, étalé sur une table de dissection en "décubitus dorsal"(couché sur le dos, bras ouverts). On était bien loin du vivant!

De nombreux artistes ont refusé cette perversion. Ils ont suivi leur goût et vécu leur propre intelligence du vivant en ne gardant que ce qui les intéressait du point de vue des formes. Enfin, Goethe créa au début du XIXème siècle le terme de "morphologie" qui correspond à cette démarche.

Dès ses origines, l'Académie Royale a proposé un enseignement de l'anatomie dont la teneur artistique dépendait du praticien qui se voyait chargé de cet enseignement...Au XXème siècle l'extraordinaire Pol Le Coeur - chirurgien artiste - inventeur de diverses techniques orthopédiques, enseigna la morphologie à l'Ecole des Beaux Arts. Assistant de Paul Bellugue dès 1936, il devint professeur en 1956. Jean-François Debord, successeur de Pol Le Coeur, a  dispensé un cours d’exception dans cette discipline, qui a marqué durablement des générations d’élèves.

Durant l’année 2003, la dernière année de cet enseignement exemplaire - accessible à tout public - a été enregistrée et filmée par le compositeur Cyril de Turckheim.  Cet enseignement s'appuyait sur une haine déclarée de l'anatomie traditionnelle décrite plus haut.

J-F Debord s'exprime ainsi au sujet de son cours: "Le cours durait deux heures. Le tableau noir mesurait 2m50 de haut sur 4m de large, ce qui permettait de dessiner avec ampleur. On pouvait ainsi jouer avec les formes que parfois je tentais de retrouver dans la lecture d'un étudiant dévêtu, compatissant ou curieux de lui-même. Lorsque le but semblait atteint et que j'avais répondu à toutes les questions, nous passions aux projections qui permettaient par quelques photographies d'évoquer  certaines attitudes ou détails caractéristiques. Puis, enfin, je pouvais retrouver les artistes que j'aime grâce aux diapositives. Je tentais alors de rendre compte de leur choix, graphiques ou picturaux."

Ces cours seront disponibles en libre accès sur la bibliothèque numérique du site de diffusion des savoirs de l'université Paris Sciences et Lettres (PSL), PSL-Explore.