SoixanteDixSept : Quand Rossellini filmait Beaubourg
SoixanteDixSept, c'est 3 expositions dans 3 lieux phares de l'art contemporain en Seine-et-Marne (77). La Ferme du Buisson, le Centre photographique d'Ile-de-France et le frac île-de-france / Parc Culturel de Rentilly convoquent la date emblématique (1977) de la création du Centre Pompidou pour réinsuffler l'esprit d'une époque à l'échelle d'un territoire.
En 1977, Roberto Rossellini consacre son ultime film à l'ouverture du Centre Pompidou. Restée inconnue pendant 40 ans, l’œuvre est dévoilée à la Ferme du Buisson. Le réalisateur filme le musée comme personne et saisit sur le vif les réactions de spectateurs sous le choc. Des photographies et des vidéos révèlent l'extraordinaire aventure du tournage. En écho, des artistes contemporains déploient des visions subjectives sur le musée et son histoire.
Début 1977, le Centre Pompidou ouvre ses portes au public qui rencontre pour la première fois l'art contemporain. Et Roberto Rossellini consacre son dernier film à ce moment historique. Le réalisateur se fait alors le témoin de l'avènement d’une nouvelle modernité - artistique, architecturale et culturelle -. À l'aide d'une caméra constamment en mouvement et d'un extraordinaire dispositif de micros cachés, il filme le musée comme jamais personne ne le fera après lui. Roberto Rossellini décède un mois après la finalisation du film.
Méconnu du grand public pendant 40 ans, ce document exceptionnel constitue ici le cœur de l'exposition. Sa diffusion s'accompagne des archives inédites de la Fondation Genesium, de son producteur et dernier compagnon de route Jacques Grandclaude : un montage vidéo extrait de 11 heures de rushs où il suit pas à pas le cinéaste au travail, 2500 photographies du tournage et des heures d'enregistrements sonores des visiteurs réalisés par Rossellini à l'aide de ses micros cachés.
Cette plongée dans les premiers jours du Centre Pompidou est revisitée aujourd’hui par Marie Auvity avec un film réalisé spécialement pour l'exposition, qui donne la parole à l'équipe technique pour raconter la fabrication du film en lien avec la création du musée. À travers cet ensemble exceptionnel se pose la question du regard que l’on porte sur le musée et ce qu’il produit : entre démocratisation et massification culturelle, l’invention d'un nouveau spectateur, d'une nouvelle muséographie, d'un nouveau rapport à la cité. Quelle mémoire porte le musée et de quelles projections, critiques et reconstitutions fait-il l'objet ?
En écho à l'approche objective du cinéaste italien, des œuvres de la collection du Centre Pompidou offrent des visions d’artistes résolument subjectives. Quand Rossellini filme Beaubourg, Brion Gysin photographie la façade du bâtiment en y projetant ses hallucinations, et Gordon Matta Clark réalise sur le chantier Conical Intersect, sa plus célèbre intervention architecturale et sociale. Quand Rossellini filme Beaubourg, Melvin Moti vient au monde. Trente ans plus tard, il réalise No Show, reconstitution d’une visite guidée d'un musée sans oeuvre. Une "performance" faite, selon lui, pour le futur, "un futur pour lequel nous ne sommes même pas encore prêts". Comme ces ovnis que sont le Centre Pompidou et le film de Roberto Rossellini.