Entretien d'Issy "Métamorphoses" | Comment faire la ville à travers l’Architecture ? avec Salwa et Selma Mikou
Jumelles, elles fondent en 2006 le Mikou Studio et ont le même désir de créer des émotions dès lors qu’il s’agit de construire un bâtiment en se confrontant au réel pour le sublimer. Aujourd’hui, leurs projets se partagent entre le Maroc, Londres où elles enseignent et la France avec des projets d’envergure, entre autres, le Campus Condorcet Paris 18, Bâtiment Métropolitain à Bordeaux…
Que faut-il pour que l’Architecture fasse la Ville ?
Telle est la question qu’évoqueront les architectes. En effet, en plus d’une stratégie urbaine, d’une programmation bien pensée, d’une équipe municipale porteuse des projets, des investisseurs et des économistes, il faut aussi un projet d’Architecture.
Quelquefois, lorsque le projet est pensé comme une infrastructure ouverte, qu’il offre des possibles que le programme ne mentionnait pas, qu’il amplifie les usages, alors s’installe l’imprévu.
Un solarium sur le toit devient un lieu pour lire, se rencontrer et même tomber amoureux, un musée devient le lieu de performances individuelles, un théâtre se transforme en espace de coworking, un rez de chaussée surélevé en marché du dimanche.
Dans cette hybridation d’usages, se créent des espaces d'appropriations et de partage. De nouveaux liens sociaux se tissent et la spatialité devient sociale. L’espace public se glisse sous le bâtiment, entre à l’intérieur et voyage jusqu’au toit.
Le projet d’architecture devient alors un catalyseur de métamorphoses entraînant avec lui des changements d’usages mais aussi de postures de la part des usagers.
Ce faisant il transforme la ville, créant les lieux d’une nouvelle urbanité.
Que veut dire Métamorphose ?
Etymologie : Méta- Comme préfix, du grec ancien μετά, metá (« au-delà, après »).
Morphose - Du grec ancien μόρφωσις, mórphôsis (« mise en forme »).
La métamorphose est en principe une transformation par laquelle un objet passe d'un état à un autre. La forme ou le caractère, la propriété changent, mais l'être reste le même.
Dans La Métamorphose de Kafka, Gregor Samsa reste Gregor même s'il se trouve un matin transformé en un « monstrueux insecte ».
Dans le domaine des mythes grecques , Zeus devient un taureau pour kidnapper et s'accoupler avec l'Europe, et en l’univers latin, Daphné devient un laurier pour échapper aux avances d'Apollon.
Nous avons ici deux types de métamorphoses fondamentalement différentes, l'une réversible et l'autre irréversible, l'une temporaire et l'autre permanente.
Peut on parler de métamorphose de la Ville ? ou s’agit-il plutôt d’un processus d’hybridation ?
Une sorte de fusion de typologies urbaines connues pour créer un troisième type hybride, imprévu, inconnu.
Un musée-espace public, étrange, ouvert, traversant : Le centre Pompidou à Paris, la Tate Modern a Londres, La Banque HSBC a Hong Kong, tous ces exemples montrent qu’une hybridation volontaire programmatique et fonctionnelle déclenche une métamorphose spatiale.
Les métamorphoses d’Issy les Moulineaux sont multiples. Elles fleurissent un peu partout dans la ville, en différentes situations.
Tel Constant et sa Nouvelle Babylone, on se prend à imaginer des secteurs en mouvement, dans lesquels des bâtiments-infrastructure, hybrides et étranges créent des atmosphères spécifiques, stimulent l’imagination des habitants, déclenchant de nouveaux modes d’habiter, de travailler, de partager, de se divertir.
Dans cette flexibilité des usages, se dessine la ville de demain, une ville en perpétuelle métamorphose.