[EXPO TERMINÉE] Golden Room

Golden Room, chambre au trésor ou caverne d’Ali Baba : c’est le lieu mythique de tous les chercheurs d’or, de tous les Eldorados.

Micea Cantor, Heaven and Hell Simultaneously, 2015, couverture de survie, dimensions variables, courtesy the artiste and Dvir Gallery

Golden Room, chambre au trésor ou caverne d’Ali Baba : c’est le lieu mythique de tous les chercheurs d’or, de tous les Eldorados. Un espace merveilleux, un trésor dans lequel on se trouve immergé, amoncellement scintillant, mélange anachronique de toutes les époques, de toutes les civilisations, jusqu’à la plus contemporaine.

À l’occasion de la nouvelle saison culturelle de lille3000 intitulée Eldorado, les commissaires invités, Jean-Max Colard et Jérôme Sans, ont proposé à plusieurs artistes d’investir les galeries "souterraines" du Palais des Beaux-Arts de Lille où reposent et s’exposent les collections permanentes du musée, de l’Antiquité, du Moyen-Age et de la Renaissance. Tel un jeu de piste sans règles et sans ordre, les artistes développent les possibles chapitres d’une histoire tout autant universelle que tumultueuse, dans laquelle leur travail rentre en écho avec les œuvres des collections serties d’or. Métaphore d’un désir de puissance, la quête du trésor prend ici la forme d’un rite de passage, mais aussi d’un renversement des valeurs.

L’or, représentation ultime de la richesse et de la réussite, est un matériau à la fois convoité et décrié. Sa matière glorieuse, sacrée, est aussi le symbole du luxe, comme seule valeur absolue et stable. C’est ainsi que, ironiquement, l’œuvre de Thomas Lélu proclame In Gold we trust (« Nous croyons en l’or »), détournant en un slogan capitaliste la devise nationale des Etats-Unis (In God we trust, « Nous croyons en Dieu ») qui figure sur tous les billets et pièces de monnaies américaines.

Si les œuvres textiles de Olga de Amaral diffusent dans l’espace la vibration de l’or, scintillant sous la lumière, elles évoquent les artefacts en or précolombien et le fantasme historique de l’Eldorado. Tandis que les œuvres de :mentalKLINIK se jouent précisément de notre attirance unanime pour les objets scintillants et séduisants, dans un travail de cryptage entre le vrai et le faux, le factice et le superficiel, comme si tout était une affaire de falsification.

L’or est définitivement la matière privilégiée de cette longue histoire de faux-semblants. Il est revisité par Laurent Grasso qui, à la manière d’un historien des images, crée dans ses peintures une « fausse mémoire historique », juxtaposant des références picturales empruntées à diverses époques avec des phénomènes climatiques à la limite de la fiction, voire paranormaux. Troublant également notre perception, les fonds dorés des icones religieuses des collections laissent place à la couleur dorée de couvertures de survie qui recouvrent les murs dans l’installation Heaven and Hell simutaneously (« Le Ciel et l’Enfer simultanément ») de Mircea Cantor. Habillant usuellement l’extrême pauvreté d’un voile paradoxal par sa couleur, ce matériau ramène soudainement à l’injustice de la réalité du monde contemporain. Tel un agent double, la couleur or transforme l’enfer en rêve et vice versa. Ainsi, si cette galerie des merveilles se joue de mille reflets dorés, elle se teinte aussi de noirceur. Tant il est vrai que la conquête des Eldorados se fait dans la violence et par le pillage des peuples et des cultures, où la soif éperdue de richesse apporte aussi son lot d’effondrement des croyances et d’idéologies comme l’abordent les œuvres abrasives de Kendell Geers.

Et si cette Golden Room n’était jamais que la caverne des voleurs, des pillards ? Sous les feuilles d’or, cette suite d’objets où l'or véritable se mélange au toc pourrait bien nous apparaître comme un mirage économique et culturel, l’espace de l’illusion ou de la vanité. Ou comme le vestige déjà en ruine de bien des civilisations qui se sont perdues dans la recherche de la prospérité.

Artistes : :mentalKLINIK, Mircea Cantor, Kendell Geers, Thomas Lélu, Olga De Amaral.

Commissariat : Jérôme Sans, Jean-Max Colard, avec Isabelle Bernini.