Au Sommet - Cordée Circassienne
Rocco Le Flem - Cie IZIAGO
Vendredi 21 novembre, 20h00Passé
Conditions
Participation libre

Compagnons de mât
Par Marie Plantin
C’est l’histoire de quatre hommes qui partagent le goût du risque et de l’amitié, l’attrait pour l’effort physique et la beauté du geste, l’envie de défis et de dépassement de soi, le rêve de vivre en accord avec eux-mêmes autant qu’avec la nature… le fantasme de caresser les étoiles pourquoi pas.
Deux binômes qui ne se sont jamais rencontrés en vrai mais dont les chemins artistiques et sportifs, dont l’engagement et les choix de vie se font écho et signe par-delà les générations. D’un côté il y a deux partenaires de cordée férus de montagne, légendes de l’escalade : Patrick Edlinger et Patrick Berhault. De l’autre, deux circassiens, Rocco Le Flem et Antoine Helou, partenaires de mât chinois depuis plus de vingt ans, virtuoses dans leur discipline, à la recherche de la corde sensible pour une pratique expressive du cirque. Leur spectacle Au Sommet ! Cordée circassienne vient sceller leur duo autant que leur amitié en rendant hommage à ces deux figures emblématiques de l’alpinisme.
Dans l’ici et maintenant de la représentation, au plus près du public, les agrès du cirque et son rapport au danger sont revisités au profit d’une dimension documentaire, symbolique et narrative.
Complicité, complémentarité, compagnonnage sont au cœur de cette proposition onirique et sensorielle
qui modèle des paysages, des arêtes et des crêtes, dans l’espace du plateau : cône de lumière au laser invitant le ciel et ses nuages passagers dans une image immersive en trompe l’œil, mosaïque de cubes sur lesquels est imprimée la photo noir et blanc de sommets enneigés. Rien n’est figé, tout est mouvement et géométrie aérienne. Le décor est déplacé, reformulé, recomposé au fur et à mesure que l’on plonge dans cette passion commune pour la grimpe. Un cube évidé porté à bout de bras tournoie jusqu’à l’illusion d’optique. Hypnose de la forme qui se déforme dans la vitesse. L’édifice de cubes multi-facettes se fait puzzle géant ou jeu de Jenga à échelle humaine, dévoile ses faces cachées, devient pic rocheux ou se dédouble en deux portraits pyramidaux venus du passé. Et les visages des deux Patrick semblent accompagner de loin les trajectoires d’Antoine et Rocco sur la piste et la verticalité de leur agrès.
Le mât chinois se pratique à deux et si la virtuosité est belle et bien là, c’est la relation qui est avant tout recherchée.
Solidarité, entraide, soutien, se suivre de près, se rattraper, se tendre la main, le parallèle entre compagnons de mât et compagnons de cordée passe autant par ce qui se joue visuellement dans l’apesanteur et la hauteur que par la présence en pointillé de la voix enregistrée qui fait le lien avec la dimension spectaculaire et chorégraphique de l’escalade. Le vertige des situations et l’intensité contenue dans chaque geste sont ici explorés dans la sobriété et l’humilité d’un spectacle qui cultive autant le silence que la confession pudique, le sage témoignage et la musique en live. Au plateau, le compositeur et musicien Paul Levis dessine des atmosphères mélancoliques et graves, des mélopées de guitare électrique qui propagent leurs ambiances et enveloppent les circonvolutions acrobatiques des deux artistes.
Tout dans ce spectacle a la légèreté du rêve et pourtant la fin tragique d’un des deux alpinistes plonge la représentation dans une profondeur insoupçonnée.
cirque, mât chinois, musique, montagne, escalade