Mental image and material image: comparative approaches 1/2
La redécouverte du rôle du matériau dans l'art par l'anthropologie (Gell, 1998) correspond à l'échec de la sémiotique à comprendre son rôle symbolique. Elle se produit en parallèle de larévolution des sciences cognitives qui remettent en cause les théories "computationnelles" de la cognition comme représentation mentale du monde, amodale et sans affects (Vial Kayser, 2021 et 2023). Les théories "modales, ancrées ou situées" de l'imaginaire comme mémoire vivante d'une situation et de l'appréciation de l' « embodiment » des concepts par Lakoff et Johnson (1980) font suite aux conceptions de l'imagination comme "présentation" d'une situation passée par Husserl et Sartre (1936/2012). Ce concept d'imagination clarifie le postulat de Barthes selon lequel la photographie est l'empreinte de la présence et l'imagination de l'absence. Comme le proposait William James, il postule que l'origine de toute représentation est le corps situé dans la matière.
Dès les années 1960, les artistes ont exploré cette piste, notamment l'Arte povera pour lequel l'art est fondé sur l'association mnémonique et affective avec la matière, parfois qualifiée d'alchimique (Celant, 1967). La remise en cause ultérieure d'une approche purement iconologique (mentale) par des historiens et théoriciens de l'art (Foster, 1996) propose que la matière fasse sens avec nos émotions ou représentations par équivalence analogique (Beaune et al., 2017), parfois qualifiée de « résonance « (Rosa, 2018 ou Strauss, 1992), d'effet « miroir » (Freedberg & Gallese, 2007) ou de perception empathique (Huys & Vernant, 2019) dans laquelle le rôle du corps (ou de son absence) et des affects est central. Doit-on alors parler de la « matière » de l'œuvre ou du « matériau » de l'expérience esthétique comme la rencontre entre un objet, une pratique performative et un système d'interprétation, c'est-à-dire l'« imaginaire » subjectif ?
Nous nous demandons : quelles sont les modalités de l'incorporation des concepts dans la forme et de la perception de la forme et de la matière en tant qu' « images mentales »? S'agit- il d'une immédiateté empathique, sensori-motrice ou d'une correspondance symbolique ? En quoi l'imaginaire préserve-t-il les qualités de la matière, celles de l'expérience physique ? Quel est le rôle du corps (ou de son absence) et de la culture dans la formation de cet imaginaire de la matière (ou de la non matière)? en quoi les arts agissent-ils comme un pont, comme une interaction dynamique entre le réel et l'imaginaire, le matériel et le symbolique ?
Interventions :
"Saisir l’immatériel dans le matériel"
- Genevieve WARWICK - Towards a material anthropology of the effigy
- Halyna KOHUT - Textiles' materiality and the imaginary of the 18th century Cossack Hetmanate
- Lorenzo AMATO - The Social Status of Clay: A Comparative Study on Italian ‘Ideal Forms’ and Japanese ‘Reverence for the Matter’ in Ceramic Arts and Practices
- Chetan CHHILLER - Imagination and Memories: The Structure of Desire in Chaurapancasika Paintings