Chemins de Damas : Note d’intention

A la suite de mon travail autour de Paul Auster (Etrangement bleu, 1 CD élu disque d’émoi Citizenjazz), puis des poètes américains de la Beat Generation (Fleurs Invincibles, création avec Clotilde Rullaud, Emmanuel Bex etc.), je souhaite poursuivre l’exploration d’une écriture musicale qui va chercher son renouvellement dans la langue des écrivains et des poètes.

La poésie de Léon-Gontran Damas est extrêmement rythmique, faite de vers courts, très balancés, ou bien de répétitions avec des micro-variations, ou bien encore rapide comme un graffiti sur un mur… on a parlé à son propos de ”poésie jazz” ! Lui rendre hommage en musique m’a donc paru presque naturel.

J’ajoute que les poèmes de Damas me semblent politiquement très actuels : il est un des fondateurs de la Négritude avec Senghor et Césaire — dont il fut l’ami proche; il fut député de Guyane et fut cité par Christiane Taubira à la fin de son discours à l’Assemblée portant la loi sur le mariage pour tous; il a été de toutes les luttes émancipatrices de son temps, de la Guyane à la métropole, de la France aux Etats-Unis ensuite, dans un trajet presque ”inverse” de celui de Joséphine Baker. Sa poésie, moins déclamatoire que les deux figures citées plus haut, porte une révolte discrète, un chant presque verlainien dans sa mélancolie, avec toute l’intensité d’une sourde colère en arrière-fond.

Ma musique a toujours été dans ces directions-là : pas d’instruments électriques, peu de batterie, des ensembles qui laissent une large place aux solistes et des couleurs ”chambristes”… je souhaitais explorer cette proximité ressentie depuis longtemps. Ce projet serait donc une étape importante dans mon écriture et mon jeu au bandonéon; et surtout, je souhaite contribuer à mieux faire connaître cette poésie majeure et les causes qu’elle défend.