Inuit - Photographies 1910-1930
Au début du xxe siècle, le journaliste-écrivain Victor Forbin (1864-1947) accumule quantité de photographies sur le Grand Nord pour nourrir les articles qu’il publie régulièrement dans des revues telles que La Nature ou La Revue des deux mondes. Ces quelques 400 photographies ont été prises pour la plupart lors de deux grandes expéditions arctiques : la CAE – Canadian Arctic Expedition – conduite par l’ethnologue Vilhjalmur Stefansson entre 1913 et 1918, et la Cinquième expédition de Thulé menée par l’explorateur danois Knud Rasmussen entre 1921 et 1925.
Au-delà de leur richesse documentaire, ces images rendent un précieux hommage au peuple inuit, peu représenté en photographie à cette époque. Les portraits de ces femmes, hommes et enfants qui ont croisé la route des explorateurs, du Groenland jusqu’à l’Alaska, nous font éprouver la fierté d’un peuple nomade de chasseurs et de pêcheurs vivant en parfaite harmonie avec une nature qu’ils ne jugent pas hostile. On lit également dans les regards rieurs la chaleur d’une communauté éprise de glace et de neige, éléments fondamentaux sur lesquels reposent ses traditions ancestrales.
Ces photographies ont cent ans et, en l’espace d’un siècle, le monde qu’elles décrivent a disparu. Les politiques gouvernementales ont dispersé et profondément transformé les communautés inuit qui se sont sédentarisées. Mais la plus grande menace demeure la fonte inexorable de la banquise. Le réchauffement climatique est deux fois plus rapide dans l’Arctique que dans le reste du monde, bouleversant fatalement le mode de vie de ses habitants. Aujourd’hui, les Inuit voient fondre ce qu’ils avaient cru éternel.
« Protéger l’Arctique, c’est protéger la planète. Les Inuit en sont les sentinelles », déclare la militante Sheila Watt-Cloutier dans son manifeste Le Droit au froid. « L’impact des changements climatiques sur l’Arctique est un signe précurseur de ce qui attend le reste du monde. »
En faisant l’acquisition de ce fonds photographique, nous avons été saisis par la beauté des images et happés par les questions que semblent poser à notre modernité les regards terriblement vivants de ceux que la langue inuit nomme « êtres humains ».
Marion & Philippe Jacquier