Journée d'études "La laïcité dans l’espace francophone : une problématique à part ?"

Cette journée d'études organisée par l'Institut international pour la Francophonie (2IF) permettra de mettre en lumière la problématique sur la laïcité dans l’espace francophone.

La laïcité, « singularité » ou « exception française », concept unique car intraduisible (Raynaud), contestée dès son origine au niveau du principe et de l’institutionnalisation, était pourtant considérée, depuis longtemps, objet de consensus et valeur acquise au sein de la société française sinon de la francosphère, jusqu’à ce qu’elle y fût confrontée à un défi de taille : l’émergence de l’Islam en tant que force spirituelle, référence identitaire, idéologie universelle, facteur politique et par la suite, sécuritaire. Depuis, sont ouverts au débat la définition de la laïcité, son contenu, son parcours, sa pertinence et ses diverses interprétations, aussi bien que les solutions dont elle pourrait être porteuse face à cette problématique à enjeux multiples et qui s’universalise à toute allure.

Selon ses définitions encyclopédiques, la laïcité est « un système qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif et en particulier de l’organisation de l’enseignement » ou encore une « conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique ». C’est aussi une idéologie, porteuse de mobilisation sociale caractérisée par un soutien aux valeurs de la République et une lutte contre tous les obscurantismes religieux, notamment dans le système scolaire (Bréchon). Donc la laïcité est, par définition, une valeur universaliste et humaniste, positive et inclusive (affirmation des libertés individuelles et publiques) avant d'être négative (séparation des Églises et de l'État) ou exclusive (libre-pensée) (Burdy et Marcou).

Introduite par la Révolution française, raffermie sous la IIIème République, cristallisée par la loi de 1905 qui confirme la liberté de conscience et le principe de la séparation des Églises et de l’État, elle n’est pas pour autant que militante ou jacobine dans son aspect idéologique, vu une perméabilité historique conduisant à une « normalisation libérale » (Bouvet) qui constitue, selon les laïcs fervents, une longue série de concessions politiques à l’Église, sinon à la religion à commencer par le Concordat de 1801, continuant avec la loi Debré de 1959 et aboutissant à plusieurs autres ajustements d’ordre juridique plus récents (Fourest). Dans sa spécificité philosophico-juridique, son alternative directe est la philosophie libérale de la tolérance (Laborde) représentée par la pensée anglo-saxonne. En effet, tandis que la laïcité à la française est un processus public lié à la citoyenneté, le régime de tolérance est lié à l’individu. La première conception considère comme source de cette liberté, l’État, tandis que la seconde, la société civile. L’ascension progressive du libéralisme et l’apparition des sociétés multiculturelles dominées par l’identitaire, produits de la mondialisation, ont conduit à la critique libérale de tout concept politique. « La laïcité selon la loi 1905 » fait partie des cibles de ces critiques. Elle est, en effet, critiquée aussi bien par les théoriciens d’outre-Atlantique que certains en France-même, prônant une laïcité plus ouverte et libérale que celle, prédominante, qui reposerait sur une perspective trop rigide et stato-centrée (Baubérot).

Le débat a été ravivé dans les années récentes d’abord autour de l’immigration. Par ce biais, pointe à l’horizon une nouvelle dynamique qui s’imposera progressivement: l’Islam, culte jusqu’alors non reconnu par la loi. Une nouvelle grille conceptuelle viendra donc se poser sur celle, existante, du débat laïc en France et dans l’espace francophone musulman autrefois colonisé mais laissé en dehors des législations concernant la laïcité. Le deuxième enjeu de l’irruption de l’Islam dans l’horizon politique français après l’immigration, sera l’identité. Et, comme le souligne Bouvet, « l’entrée de l’Islam de plain-pied dans l’âge identitaire » se fera autour du port du voile par les femmes. L’affirmation de l’Islam identitaire, en raison de ce caractère immédiat de visibilité se trouve renforcée par le multiculturalisme normatif, lui-même produit de la mondialisation, et qui octroie à l’individu le libre choix de son identité personnelle. Ce choix se transformant le plus souvent dans la société libérale en revendication de droits (Kymlicka). L’affaire du voile qui va éclater en France en 1989, en est l’exemple. Cette politisation va s’accentuer autour du troisième enjeu de la problématique de l’Islam, à savoir l’apparition du terrorisme « islamiste » ou intégriste au seuil du XXIème siècle. Cette transformation radicale de la contestation identitaire va changer la donne et l’Islam deviendra une question sécuritaire. Cette multiplicité d’enjeux caractérisant l’Islam politique d’aujourd’hui a un impact direct sur la laïcité en tant que concept philosophique, sociétal et juridique. Une solution proposée à ce défi de taille est d’organiser « l’Islam de France » et qui pourrait « exprimer une doctrine musulmane compatible avec les valeurs républicaines » (El Karoui), c’est-à-dire dans le contexte plutôt qu’en dehors et/ou contre la laïcité à la française. La voie sera également ainsi ouverte à l’étude des différentes laïcités existant dans l’espace francophone. Au demeurant, l’Organisation internationale de la Francophonie (O.I.F.) qui regroupe les pays membres de l’espace francophone autour d’un ensemble de valeurs (démocratie, État de droit…) et qui défend avec vigueur la diversité culturelle sous toutes ses formes reste étrangement muette à propos de la laïcité. Pourtant, la laïcité apparaît à beaucoup comme le moyen d’aménager et de favoriser l’inclusion de la diversité selon des variantes multiples. La Francophonie est aujourd’hui confrontée au défi de proposer un principe de laïcité approprié aux exigences et aux effets délétères de la mondialisation. En effet, si l’aire francophone possède une expérience tragique et ancienne des conflits liés notamment aux liens trop étroits entre religion et politique, elle dispose certainement aujourd’hui des références culturelles et politiques suffisantes pour inventer une laïcité de cohabitation qui pourrait d’ailleurs être utile dans d’autres aires culturelles du monde.

Compte tenu du contexte présenté ci-dessus, l'Institut international pour la Francophonie organise une journée d'études sur le thème "La laïcité dans l’espace francophone : une problématique à part ?" afin de mettre en lumière les questions suivantes :

- Les aspects conceptuel, juridique, sociologique et politique de la laïcité à la française, y compris dans une perspective critique et/ou comparative par rapport au sécularisme;

 - L’état des lieux par rapport à la laïcité à travers les territoires francophones;

 - Des études de cas spécifiques;

 - La laïcité dans les relations internationales, ainsi que par rapport au droit international des droits de l’Homme;

 - Toute autre proposition en relation avec le sujet

A propos du lieu

35 rue Raulin, 69007