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"En attendant, les avions décollent" - Mise en lecture des propos de personnes enfermées au Centre de Rétention Administrative de Sète

Représentation publique de Mathieu Gabard et Pierre Bertrand (Cactus Calamité team)

Entrée libre

"En attendant, les avions décollent" - Mise en lecture des propos de personnes enfermées au Centre de Rétention Administrative de Sète

Représentation publique de Mathieu Gabard et Pierre Bertrand (Cactus Calamité team)

« Ils me gardent ille galement ici, pour gagner des sous, car le France reçoit des sous pour investir dans des centres comme ça, c’est un esclavage moderne. »

D'une activité l'autre, d'une production poétique à la suivante et sous diverses formes, nous sommes heureux de recevoir à nouveau l'École Internationale Supérieure de Poésie Intercontemporaine, avec Mathieu Gabard de Cactus Calamité et Pierre Bertrand.

En janvier 2016, Cactus Calamité présentait un fanzine à partir du CRA de Marseille. C'est à celui de Sète que cette soirée de représentation publique est consacrée le 27 mai.

Un extrait:

Enfermés inutilement

Enfermés inutilement

c’est tourner en rond

c’est dépenser de l’argent pour rien

c’est faire des quotas d’expulsés au lieu d’aider

ça complique la vie

ça angoisse

ça pensées suicidaires

ça taillade les veines

ça souffrance beaucoup

ça rage

ça stresse

ça je n’arrive pas à dormir la nuit allongé les yeux ouverts

ça la douche brûlante

ça marche pas la machine

ça sert à rien tout ça

c’est pas déjà assez compliqué comme ça pour que l’Etat vienne mettre des bâtons dans les pattes?

ce centre de rétention administrative de Sète

cage de désespoir

où chacun attend la sentence administrative

être libéré ou expulsé

inutilité

violence

stress

ça complique la vie de ceux qui l’ont déjà assez compliquée comme ça

ça arrête

ça stoppe

ça fait rater la naissance de son fils

ça fait perdre son boulot

pour : l’administratif

l’administratif

et dehors c’est n’importe quoi

on est payé 4 euros de l’heure

que l’Etat y nous régularise pour qu’on soit payé comme tout l’monde

au lieu de ça

on bosse

et avant d’nous payer sur l’chantier

le chef passe un coup d’fil anonyme à la police

qui vient nous arrêter

qui nous met au CRA

qui nous renvoie dans notre pays

comme ça le chef y paye pas

inutilité

enfermés inutilement

bêtement

pour remplir des quotas

pourquoi? pour rien

à des gens qu’on pas besoin d’ça

au lieu de les aider

on leur met des bâtons dans les pattes

centre de rétention administrative de Sète

perte de temps

perte d’argent

perte d’emploi

perte d’espoir

lieu de perdition

en plein coeur de la ville

entourismée de soleil

lieu de perdition

où gambergent les idées noires contenues au bord de l’orage

au bord du port

à deux pas du soleil

à deux pas des passants

à deux pas de la poésie

des espoirs torpillés

des vies en pointillés

prêtes à basculer

à deux pas des transats

à deux pas des hamacs

des bâtons dans les pattes

parasols révulsés

parasols brisés

trempant dans le silence

Et on leur laisse la parole puisqu'ils nous feront tout entendre le 27 mai.

"

En attendant, les avions décollent est une présentation publique qui met en parole et en jeu des propos de personnes enfermées au Centre de Rétention Administrative de Sète.

Nous menons des visites au CRA de Sète depuis juin 2017. Nous portons la parole de celles et ceux qu’on entend peu, qu’on ignore, qu’on rejette, qu’on tait, qu’on bâillonne, qu’on rafle, qu’on déporte. En attendant, les avions décollent est une présentation évolutive que nous continuons de modeler au gré des nouvelles rencontres, situations et témoignages provenant du CRA de Sète.

En attendant, les avions décollent rassemble des artistes autour de la transmission d’une parole renversée, révoltée, tabassée, trouée, meurtrie, cernée.

Nous transmettons directement leurs propos, ou les réécrivons, les réagençons. Nous partageons aussi nos vécus, ressentis, sensations et pensées à travers des poèmes et textes divers entremêlés aux propos des hommes enfermés.

Ce corpus de textes est dit, lu, chanté, joué.

(...)

Depuis le début de nos visites, à l’été 2017, en marge du festival de poésie Voix Vives de Sète, nous allons porter, dans les rues, les paroles des hommes enfermés au CRA, quelques heures après notre sortie de visite dans le but d’établir un rapport direct entre l’intérieur du CRA et l’extérieur, d’informer et de mobiliser les passants.

Ainsi est arrivée la nécessité de construire, une forme, mouvante, d’établir le socle d’une présentation publique, un cadre pour mieux partager ces paroles ; nous sommes partis de ces questions :

Comment faire pour que le pathétique, le dramatique et le tragique de ces récits de traversants de la Méditerranée coulant de leur bouche aux nôtres n’aillent plus se fourrer seulement dans des recoins de la sidération et de l’accablement ?

Comment se rendre sur les rives de la sensibilité sans sombrer dans le sensationnel ?

Comment faire entendre ces voix, toucher une part de chacun qui lui permettrait d’accéder à une prise de conscience, une mise en mouvement, en lutte, en révolte?

Le travail a commencé sur ces questions. Le processus de création ressemble à une tentative de décalage, une tentative de dire autrement l’inique et la violence.

"""

Café librairie Michèle Firk

9 rue françois debergue 93100 Montreuil

  • Mai 2019

    • Lundi 27 19:30 - 22:30